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Nouveaux OGM pour les uns, incontournables pour adapter le monde agricole aux bouleversements du changement climatique pour les autres, les nouvelles techniques génomiques (NGT) ravivent les débats clivants sur les OGM en Europe, qui tarde à se positionner sur le sujet.
Déjà en pleine expansion hors UE, avec un soja à teneur accrue en acide oléique (USA) ou une variété de tomate avec une teneur accrue en GABA, un neurotransmetteur diminuant l’hypertension (Japon), autorisés sur le marché local, les retrouverons-nous à terme dans nos assiettes ? Avec quel cadre règlementaire ? Les consommateur·trices sont-ils prêt·es en France et en Europe à accepter ces nouvelles techniques d’édition du génome après avoir rejeté si farouchement les OGM ?
Selon l’arrêt du 25 juillet 2018 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), les NGT sont considérées comme des OGM par le droit de l’Union Européenne. De fait,en l’absence de législation adéquate et spécifique, la Cour a acté que les organismes issus de techniques/méthodes développées après la directive 2001/18/CE sur les OGM relèvent bien du champ d’application de cette même directive. Les organismes obtenus grâce à une technique génomique plus récente que la directive OGM sont donc soumis aux obligations prévues par cette dernière. Mais la définition de ces techniques par la CJUE reste très partielle.
Dans la réalité, le terme NGT regroupe un ensemble large (on en dénombre plusieurs dizaines) et très hétérogène de techniques et méthodes de modification ou d’édition du génome. Leur seul point commun : avoir été développées après la directive OGM de 2001. Certaines NGT peuvent ainsi créer des variétés de plantes qu’on ne sait pas (encore) différencier des plantes obtenues par sélection variétale classique, tandis que d’autres NGT sont assimilables à de la transgénèse, pour laquelle les OGM obtenus sont facilement identifiables. Dès lors, il apparaît inopportun de vouloir toutes les réglementer de manière uniforme.
Partisans comme opposants aux NGT le reconnaissent : le contexte règlementaire européen actuel est largement inadapté.
La Commission européenne (CE) a ainsi publié en 2021 un rapport sur les NGT, leur potentiel, et l’adéquation avec le cadre règlementaire actuel. Il souligne notamment les apports potentiels de ces nouvelles techniques pour garantir la compétitivité, l’adaptabilité, la résilience et la durabilité des systèmes agricoles européens, dans le cadre de la stratégie Farm to Fork :
La Commission Européenne (CE) a publié le 5 juillet 2023 une proposition dédiée de règlement concernant le statut juridique des NGT dans l’UE, qui fera l’objet de négociations avec les États membres et le Parlement européen avant toute éventuelle promulgation. La proposition ouvre deux voies distinctes pour la mise sur le marché des plantes issues de NGT :
Cette proposition pourrait permettre à l’UE de rattraper son retard et d’exploiter pleinement le potentiel de ces nouvelles techniques génomiques. Cependant, si l’exécutif européen décide d’assouplir la règlementation encadrant les NGT, même partiellement en le réservant uniquement à certaines techniques, de nombreux enjeux vont nécessairement émerger.
Premier enjeu : la traçabilité de ces nouvelles techniques. En effet, les mutations obtenues par certaines techniques NGT sont, à date, indiscernables de mutations obtenues par sélection variétale « autorisée ». A la suite de la consultation publique sur les NGT initiée par la CE, les réponses étaient partagées sur la meilleure façon d’assurer une traçabilité efficace pour les plantes ainsi produites : les réponses les plus sollicitées étaient via des bases de données et registres publics (32 %), suivie de documentation transmise via la chaîne d’opérateurs (27 %) et de solutions numériques (Blockchain) (19 %).
Un autre enjeu, scientifique cette fois, concerne l’évaluation des risques à mener sur ces techniques, l’EFSA ayant déjà rendu plusieurs avis sur le sujet. À date, les dangers associés à ces techniques sont liés à la santé du consommateur et à leur dispersion dans l’environnement. Si des études calibrées existent déjà aujourd’hui pour l’homologation de nouvelles variétés obtenues par sélection naturelle, comment les adapter à de nouvelles espèces obtenues par NGT, parfois indistinguables de ces dernières ?
L’enjeu réglementaire d’identification est également double :
1. Il faudra dans un premier temps définir si les assouplissements règlementaires s’appliquent indifféremment à tous les NGT, ou si des dérogations sont fournies au cas par cas en fonction de la technique considérée.
2. Ensuite, la question de la propriété intellectuelle va nécessairement se poser, et notamment si la brevetabilité porte sur la technique utilisée ou alors sur le caractère nouveau obtenu.
Attention enfin aux sur-promesses : il semble important de rappeler que les NGT ne sont en aucun cas une solution miracle et clé en main pour l’agriculteur. En effet, comme le rappelle l’ADEME dans son étude Prospective du système alimentaire et de son empreinte énergétique et carbone, qui présente 4 visions de l’alimentation en France pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’une des hypothèses du scénario Pari réparateur est que la génétique et l’agriculture de précision n’assurent qu’une légère augmentation du rendement global en 2050. Également, les effets délétères des dérèglements climatiques sur les rendements agricoles ne sont que très peu compensés par l’essor de variétés plus résistantes obtenues par édition génomique. De même, si les agriculteurs européens adoptent massivement des semences issues de NGT, on risque d’assister à une uniformisation des variétés cultivées, avec des conséquences très dommageables en termes d’érosion de la biodiversité, de résilience des écosystèmes et in fine d’impact sur les plants cultivés.
Le potentiel indéniable des NGT pour transformer les systèmes agricoles et agroalimentaires de l’UE implique nécessairement de longs arbitrages stratégiques entre et au sein des États-Membres :
Les NGT représentent des opportunités et des risques différents (socio-économiques, environnementaux, politiques, scientifiques, etc.) selon le système agroalimentaire considéré.
Notamment, les acteurs de la bio se sont historiquement positionnés contre l’utilisation de semences OGM, et sont aujourd’hui plutôt hostiles aux NGT. Mais si ces techniques étaient autorisées dans l’UE, elles pourraient entrainer un surcoût pour la filière biologique afin de prouver l’absence de NGT.
Elles suscitent par ailleurs des niveaux de défiance variables de la part des citoyens eux-mêmes. En France par exemple, plusieurs ONG et associations se sont d’ores et déjà positionnées contre tout assouplissement réglementaire pour les NGT.
🤝 Afin d’obtenir rapidement un consensus citoyen autour de l’acceptabilité sociétale de ces techniques, la Commission Européenne pourrait, certes, décider d’éviter d’emblée les controverses des OGM « à l’américaine », par exemple en interdisant de facto les modifications visant à rendre une culture tolérante à un herbicide ou à lui faire produire un insecticide. Mais cela ne garantira pas pour autant leur acceptation globale, également dépendante des perceptions citoyennes des enjeux politiques et agroéconomiques, et des peurs et méfiances autour des technologies génétiques, etc.
Pour ne pas reproduire le scénario passé des OGM, les acteurs concernés en UE devront ainsi faire preuve de transparence et de pédagogie, et d’imaginer des structures de dialogue et de consultations avec les citoyens.
🍽️ Cependant, la proposition législative de la Commission européenne sur les plantes issues de nouvelles techniques génomiques pourrait permettre au secteur agricole européen d’être mieux armé pour enclencher une transition nécessaire dans les modes de productions de nos aliments, au vu de leur potentiel sur la sélection variétale des plantes. Le Parlement Européen devait adopter sa position sur la proposition législative concernant les NGT au mois de novembre. Le Conseil européen, institution qui réunit les chefs d’État des vingt-sept États-Membres, est censé adopter la sienne en décembre. Une majorité d’États-Membres, notamment la France, plaide pour faciliter le recours aux NGT pour l’agriculture européenne. Pourront alors démarrer les négociations en trilogue entre les trois organes européens, afin d’aboutir à une proposition de consensus sur l’avenir des NGT dans l’Union Européenne.
Mathilde Charry, Consultante Ingénieure chez ProtéinesXTC. Consciente des enjeux environnementaux et agricoles du siècle, passionnée par le sujet de l’alimentation durable et fan des desserts à la cannelle.